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Saut d’Eau : Coexistence de la religion catholique et Vodou dans la conservation

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En Haïti lors des moments des fêtes champêtre, on trouve une partie culturelle et de loisir très forte qui intéresse les participants, mais il y a aussi des personnes qui participent aux fêtes champêtre dans l’objectif de visiter des lieux consacrés à la spiritualité, la dévotion et la mémoire. Des gens qui vont dans des endroits sacrés afin de se ressourcer et se connecter ou se reconnecter à un esprit divin. Cette situation est valable pour beaucoup haïtien qui sont catholiques ou vodouisants, qui, chaque année ,vont dans certaines villes à l’occasion des fêtes champêtres pour pratiquer le pèlerinage ou faire du tourisme religieux en visitant des lieux sacrés. C’est le cas de la commune de Saut-d’Eau, qui est un lieu emblématique de pèlerinage religieux.


Dans la fête champêtre de la commune de Saut d’Eau on peut remarquer la présence des chrétiens catholiques qui participent afin de prier, honorer les saints, adresser des demandes ou remercier les esprits. Les chrétiens catholiques qui participent dans les activités festives parlent de Mont Carmel au lieu de Vierge Miracle. Mais les vodouisants à travers les activités du culte vodou préfèrent l’appellation de vierge Miracle. Ainsi on peut citer la chanson de Vierge Miracle Saut d’Eau du groupe Racine Mapou de Azor chanté par Lenord Fortuné dit Azor, une chanson qui vénère la fête de la vierge et montrée à quel point Saut d’Eau est un lieu de culte important pour les adeptes du vodou.


Les festivités dans la commune de Saut d’Eau ont un porté religieux très répandue tout au long des activités marquant l’arrivée des pèlerins. Du 05 au 15 juillet, les religieux catholiques organisent des neuvaines à l’église Mont -Carmel, afin de rendre des hommages et faire des demandes à la sainte lors de la messe consacrée à l’adoration du Saint sacrement. Nous devons souligner que les chrétiens catholiques organisent au moment des festivités un « Chemin de croix » à travers la chute « Cascade », le lieu essentiel pour des milliers de pèlerins qui viennent prendre leur bain de bénédiction en cherchant la purification et la renaissance. En date du 16 juillet qui marque la fête de la ville et la fête de Mont –Carmel (Vierge Miracle), les chrétiens catholiques organisent quatre (4) grandes messes dans l’objectif de louer, vénérer et remercier Mont -carmel pour ses bénédictions.

La fête de Mont Carmel représente pour les croyants catholiques un événement de foi et un héritage sacré. Un moment de culte, de vœux et de piété. Pour ces croyants , la ville de Seau-d ’Eau est une spatialisation du sacré ce qui conduit à une sacralisation de l’espace, qui participe à l’organisation et à la hiérarchisation du territoire comme lieu de culte et de patrimoine religieux pour les croyants qui visitent la ville mais qui sont aussi des acteurs de la constitution et la définition de la ville comme lieu de pèlerinage et de syncrétisme religieux.
On se rappelle par rapport aux alliances entre catholicisme et l’Etat haïtien, il y avait tout un discours dévalorisant sur le vaudou. Le catholicisme de l’époque considérait quasi tous les éléments culturels et folkloriques haïtiens comme du vaudou, le tambour et la danse notamment qui sont des éléments déterminants dans le quotidien haïtien. Toutes ces choses étaient diabolisées par l’Église (Telusma ,2017 )
La coexistence religieuse représente dans certains cas un symbole de liberté, de respect, de tolérance et de vivre ensemble. Au niveau de la fête de Seau –d’Eau , on constate cette forme de coexistence , à côté des croyants catholiques, il y a la présence des adeptes vodou qui marquent aussi le territoire des activités festives cette ville . Si les chrétiens catholiques adressent leurs prières à Mont Carmel , les vodouisants participent à cette fête dans l’objectif d’honorer l’esprit des loas vodou comme Erzulie Dantor et Erzulie Freda (Gustave , 2023) .
Les pèlerins de la religion vodou vêtus de couleur rouge, lors de la fête, se mêlent dans les eaux de la cascade de la ville de Saut – d’Eau afin d’adresser des prières à Vierge Miracle pour lui demander guérison, protection, pour faire des vœux ou actions de remerciements. Ces pèlerins après avoir déposés leurs bougies sous les Palmes qui abritent la statue de la Vierge Miracle, vont vers le Saut pour « un bain de chance et de bénédiction » et aussi pour trouver de solutions à leurs maux. Sous les chutes d’eau et dans les bassins en aval les gens se lavent avec des feuilles pour se purifier. Il y a certaines personnes qui laissent dans l’eau leurs vêtements de pèlerinage afin de ne pas retourner chez eux avec la mauvaise énergie et de vivre une renaissance sacrée tout en restant en connexion avec l’esprit de Vierge Miracle.

Les religieux vodouisants marchent à travers les rues avec des objets matériels en mains (cruches, baleines, gobelets blancs et autres) et se font accompagner avec des animaux portant aussi la couleur rouge comme sacrifices aux esprits. Au cours des parcours, les croyants chantent et dansent au son du tambour et du rythme vodou. Ils s’arrêtent dans des carrefours pour allumer leurs baleines et demander passage au loa legba, qui est un esprit dans le vodou qui sert à ouvrir la barrière afin de permettre aux croyants d’arriver à l’endroit fixé.

Il est impossible de parler de la fête de Seau d’Eau sans voir les croyants vodou qui participent dans les activités festives afin de se connecter ou se reconnecter aux esprits des loas . Ils se font remarquer dans les cérémonies en l’honneur des loas surtout aux alentours de la chute qui est transformé en lieu de syncrétisme religieux. En ce sens, la place de la religion vodou à la fête de Saut -d’Eau se voit également comme un élément de l’identité culturelle qui reflète la tradition haïtienne pour les touristes religieux car le vodou constitue une liaison entre les haïtiens. Il est tout ce qui participe dans notre imaginaire comme peuple et dans la création de notre culture comme héritage sacré et comme élément de résistance.

Les relations interconfessionnelles s’organisent autour de la notion centrale de la frontière religieuse, sans laquelle, de fait, il n’y pas d’inter-confessionnalité (kethia ,2005). Sur ce point, dans la fête Mont Carmel de Saut -d’Eau, on trouve deux binômes religieux, le catholique et le vodou dans un espace singulier. La coexistence de ces deux religions dans cet espace sacré se voit comme le ‘’vivre ensemble ‘’ tout un élan solidarité envers un autre croyant ou un autre fidèle religieux que l’on considère comme frère ou sœur et qu’on reconnait qu’on a des devoirs à son égard. Dans la coexistence on reconnait la différence qu’on a vis-à-vis de l’autre et, on cherche à définir notre différence. Toute forme de coexistence demande de se soumettre et contraindre l’autre mais aussi consenti à être contraint dans notre différence.

La présence de ces deux religions qui renforcent les activités festives fait de Saut d’Eau un espace d’une grande pratique dévotionnelle. Les fidèles catholiques et vodouisants font de cette ville un patrimoine religieux qui a une importance considérable au niveau de conservation, de restauration et de mise en valeur comme lieu de culte et de pèlerinage. Nous devons dire que les biens religieux et sacrés que conservent les pèlerins venant aux activités festives de Mont carmel sont l’expression de l’ensemble des doctrines, croyances et rites de ces deux religions.

Dans le patrimoine religieux, le matériel et le sacré occupent une place considérable. Ainsi, la ville de Saut d’Eau comme patrimoine religieux conserve une tradition religieuse qui participe dans une dynamique de foi et de connexion spirituelle. Elle est également la plus diversifiée et la plus riche en Haïti au niveau de tourisme religieux et de coexistence religieuse. C’est une expression majeure de la culture haïtienne et un élément exprimant les valeurs sociales et anthropologiques de la société haïtienne.

En somme les croyants catholiques et vodouisants qui viennent régulièrement à la fête Mont Carmel ou Vierge Miracle de la ville de Saut- d’Eau sont des acteurs de la conservation de cette tradition festive qui est à la fois religieuse et culturelle.

La connaissance de cette tradition participe à la conservation de la ville Saut d’Eau comme espace culturel et religieux afin que ce patrimoine ne soit ni méconnu ni disparaitre. La présence des pèlerins, des croyants catholiques et des adeptes vodous donne à Seau-d’Eau un caractère sacré et tous les objets conservés à cet espace gardent normalement un usage religieux. C’est tout un aspect qui se voit sur une dimension spirituel qui crée un lien commun à tous les croyants et incroyants qui se reconnaissent dans la traditionnelle fête de cette ville qui représente un lieu de bien sacré et religieux que l’on doit conserver comme point de repère pour les religieux et comme espace de culte sacré.

Frandy JASMIN

Communicateur Social / Anthropologue


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